GAFAM : à quand la fin de l’empire ? Épisode 2 – Un système nocif, qui n’assume pas ses externalités

GAFAM : à quand la fin de l’empire ? Épisode 2 – Un système nocif, qui n’assume pas ses externalités

Chez Fertilidée, nous nous intéressons à la transition écologique globalement, et plus spécifiquement à la transition alimentaire.

Et nous voyons un lien conceptuel entre l’hégémonie des GAFAM et celle des géants de l’agro-industrie et de la grande distribution.

Ces acteurs apportent aux consommateurs des avantages clairs et indéniables. Il ne serait pas honnête de le nier :

  • des prix bas ;
  • un système “efficace” et commode ;
  • une grande variété de produits…

Mais la même question apparaît dès qu’on a terminé de lister les avantages : quid des inconvénients ? Quelles sont les externalités négatives du système ?

C’est l’objet de cette seconde partie, accrochez-vous, ça peut secouer !

Des services vraiment gratuits ?

Les services des GAFAM sont présentés comme gratuits, mais en réalité, ils reposent sur le modèle économique de l’exploitation des données personnelles à des fins publicitaires. 📺

Cette pratique soulève (déjà depuis longtemps) des questions éthiques et personnelles, et notamment : 

  • Atteinte à la vie privée: L’exploitation des données personnelles peut constituer une menace à la vie privée des utilisateurs. Elle permet aux entreprises de suivre chacune des activités en ligne de l’utilisateur et de constituer des statistiques de profils selon les habitudes et les préférences des utilisateurs.
  • Manipulation et discrimination: Les données personnelles peuvent être utilisées pour manipuler les utilisateurs et les inciter à acheter des produits ou services dont ils n’ont pas besoin (la surconsommation, ça vous parle ?). Elles peuvent également être utilisées pour classer les utilisateurs en fonction de leur origine, de leur religion, de leur orientation sexuelle, etc.
  • Prolifération des spams et des escroqueries: Les données personnelles peuvent être vendues pour envoyer des spams et des escroqueries aux utilisateurs.

Il est donc essentiel de prendre conscience de ces enjeux et d’envisager des alternatives qui préservent notre vie privée et nos libertés individuelles. Des initiatives telles que Privay Badger ou Do Not Track émergent sur ces questions.

Les GAFAM, des as de la transition écologique ?

Sur le plan environnemental, les GAFAM investissent beaucoup dans la communication (notamment Google). Leur objectif est de montrer l’ampleur de leurs efforts sur le verdissement des datacenters, en particulier.

Le problème est que la logique omet complètement l’analyse systémique de l’impact sur la société Google sur le reste du monde.

Google vous propose des services dont les émissions directes sont compensées par leurs efforts de compensation carbone et de production d’électricité renouvelable. 🔋🔌

Mais que font les particuliers et les entreprises de ces services Google ?

De la publicité, pour vous pousser à acheter toujours plus de produits.

Le chiffre d’affaires publicitaire de Google a dépassé le seuil symbolique des 200 milliards de dollars, pour la première fois, en 2021.

Admettons que le Retour sur investissement publicitaire (ROAS) soit de 2 € de chiffre d’affaires par € investi en publicité. Google permet donc à ses clients annonceurs de réaliser une somme qui approche rapidement de 500 milliards de dollars, par an.

Qui pourrait imaginer que l’empreinte carbone de Google peut être nulle, alors que son service publicitaire permet la vente d’autant de produits et services, partout dans le monde ?

Par ailleurs, Google nous garantit-elle que sa plateforme publicitaire ne sera jamais utilisée pour vendre des véhicules ultra-polluants, des armes à feu ou encore des produits alimentaires notoirement délétères pour votre santé ?

La disruption est un concept qui fait office de religion ambiante dans la Silicon Valley et dans les GAFAM. Il s’agit d’imposer une transformation radicale des secteurs d’activité, grâce à l’innovation technologique. C’est par exemple, ce qu’a fait AirBNB en révolutionnant le secteur de l’hébergement temporaire (et l’on connaît les conséquences néfastes aujourd’hui de ce système…).

Sur le papier, pourquoi pas faire évoluer des secteurs en crise !

Mais ce modèle présente des problèmes sociaux, sociétaux et économiques.

Il peut engendrer :

  • des inégalités économiques ;
  • la disparition de nombreux emplois ;
  • la concentration du pouvoir dans les mains de quelques entreprises géantes ;
  • des préoccupations concernant la vie privée et la surveillance ;
  • des conséquences sociales imprévues.

 

Peut-être est-il temps de trouver un équilibre entre l’innovation technologique et les considérations sociétales et environnementales ?

Vos données personnelles à l’abri des regards indiscrets ?

La protection des données personnelles est un sujet crucial dans notre société, qui est en train de finaliser sa numérisation complète.

Aux États-Unis, certaines lois, telles que le Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) et le Patriot Act, confèrent aux autorités américaines le pouvoir de consulter les données hébergées par les entreprises, même si ces données sont situées en dehors des frontières américaines.

Cette extraterritorialité pose évidemment des problèmes de confidentialité et de respect de la vie privée pour les entreprises européennes (et donc pour les citoyens européens).

La conclusion semble assez simple : il faut privilégier les hébergeurs européens pour l’hébergement des données et services. En choisissant des fournisseurs de services européens, une entreprise bénéficie de réglementations plus strictes en matière de protection des données, telles que le Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne.

Cela garantit un niveau plus élevé de confidentialité, de contrôle et de sécurité pour les données des utilisateurs. Protéger les données personnelles devrait être une priorité pour toutes les entreprises soucieuses de la confiance de leurs clients et de leur réputation.

Jaron Lanier, un éminent informaticien américain, est très critique à l’égard des GAFAM et de leur impact sur la société. Il constate que ces géants de la technologie ont accumulé un pouvoir et une influence considérables, soulevant des préoccupations concernant la vie privée, la concentration des richesses et l’érosion de l’individualité.

Lanier critique leurs modèles économiques reposant fortement sur la collecte de données des utilisateurs et la publicité ciblée. Il estime que cela crée un système où les utilisateurs deviennent des marchandises, constamment surveillés et manipulés à des fins lucratives. Une véritable objectivation de l’individu. 🔎

Lanier soutient aussi que la surveillance de masse et la manipulation comportementale utilisées par ces entreprises sapent la vie privée et l’autonomie individuelle. Il n’oublie pas l’immense concentration des richesses et du pouvoir au sein de ces entreprises, et affirme que leur domination entrave la concurrence et l’innovation, limitant les opportunités pour les acteurs plus petits de l’industrie technologique.

Cette concentration du pouvoir soulève également des préoccupations quant aux abus potentiels et à l’absence de responsabilité. De plus, Lanier met en évidence un impact négatif des GAFAM sur l’emploi et l’économie.

En bref, nous vous recommandons de découvrir ses livres et prises de parole, elles sont très alignées à notre propos dans cet article !

La libre concurrence et le libre marché, vraiment ?

Les fondateurs des GAFAM sont le plus souvent des libertariens, qui placent les libertés individuelles et d’entreprendre comme les plus importantes.

Réguler le marché ? Payer des impôts ? Peu pour eux, merci bien !

Mais, bizarrement, cette volonté de marchés libres et parfaits, il est préférable d’éviter qu’elle n’empiète sur les intérêts des GAFAM.

C’est ainsi que ces entreprises ont adopté une stratégie d’acquisition agressive, en acquérant des startups et des entreprises technologiques prometteuses, sur base de leur situation financière dominante. Conséquence : une intégration rapide de nouvelles technologies, étendant la portée des GAFAM et consolidant leur position sur le marché.

Et les GAFAM n’ont pas de limites. Des centaines de start-ups, qui risquaient peut-être de faire un peu d’ombre à ces géants, ont été rachetées. Propulsant davantage ces GAFAM dans des positions de domination du marché.

Google a acheté YouTube, DoubleClick, Android, Waze, Nest Labs, DeepMind, Motorola Mobility, Fitbit, Boston Dynamics, Firebase, Songza, AdMob, Zagat, Snapseed, reCAPTCHA, Apigee…

Apple a acquis Beats Electronics, Shazam, Topsy Labs, AuthenTec, PrimeSense, Anobit, Emotient, LinX Imaging, Perceptio, VocalIQ, Turi, Silk Labs, Buddybuild, Texture, Vilynx…

Microsoft a aussi fait de belles emplettes : LinkedIn, GitHub, Skype, Mojang (créateur de Minecraft), ZeniMax Media (propriétaire de Bethesda Softworks), Nuance Communications, Xamarin, Wunderlist, SwiftKey, Bungie, Yammer, aQuantive, Danger Inc., Visio Corporation, une des divisions de Nokia…

Et Facebook ? Instagram, WhatsApp, Oculus VR, FriendFeed, LiveRail, Parse, Onavo, Face.com, tbh, Giphy, Kustomer, Bloomsbury AI, Redkix, CTRL-labs, Confirm.io…

Amazon n’est pas en reste : Zappos, Twitch, Ring, PillPack, Whole Foods Market, Annapurna Labs, Souq.com, Goodreads, Audible, Kiva Systems, Elemental Technologies, LoveFilm, AbeBooks, IMDb, comiXology, et plein d’autres.

Profiter d’une puissance financière inégalée pour racheter le moindre concurrent dont la tête commencerait à trop dépasser dans la foule, est-ce vraiment une pratique favorable au libre marché ?

Des taxes ? Où ça des taxes ?

Cette logique du “le moins d’implication du gouvernement possible” s’étend tout naturellement aux impôts et aux taxes, que les GAFAM évitent soigneusement de devoir payer.

On peut s’insurger contre certaines des décisions politiques et économiques de Bruno Le Maire, mais là où nous le soutenons, c’est dans sa volonté de promulguer une “taxe GAFAM” (ou taxe sur les géants du numérique) à l’échelle du G20 et de l’OCDE.

La France s’est déjà armée d’une telle taxe, qui rapporte environ 700 millions d’€ par an.

A l’échelle mondiale, l’ambition est d’aboutir à une loi imposant une taxe de 15% minimum sur les bénéfices des multinationales.

Très bien ! Est-ce à la hauteur de l’enjeu ?

Une organisation britannique, Fair Tax Mark, a estimé en 2019 que les GAFAM (pour l’occasion accompagnés de Netflix) ont réussi à réduire les impôts qu’ils auraient dû payer (selon leurs provisions comptables) de 100 milliards, en 10 ans, soit 10 milliards par an. On parle bien de 6 entreprises…

10 milliards par an, c’est 10% du montant promis lors des Accords de Paris (et même avant) au pays en voie de développement, pour les aider à faire face aux conséquences du dérèglement climatique.

Plus prosaïquement, c’est de quoi lancer 50 000 fermes en maraîchage agro-écologique (dans un pays comme la France), permettant de nourrir environ 1 million de personnes, soit 10 millions de personnes après une décennie.

Au vu de l’évasion fiscale à grande échelle pratiquée par les GAFAM (et ils ne sont pas seuls), il fait bon être actionnaire des GAFAM ! Un peu moins bon d’être citoyen d’un pays où ces entreprises exercent leurs activités, sans pour autant accepter d’apporter leur contribution au bien commun. 👪

Plus concrètement, les entreprises technologiques américaines utilisent pour certaines des structures d’optimisation fiscale pour minimiser leur fardeau fiscal en tirant parti de réglementations fiscales favorables dans certaines juridictions.

Un exemple couramment pratiqué par de nombreuses grandes entreprises technologiques est l’utilisation de filiales situées dans des pays à faible imposition ou des paradis fiscaux. 🛥️

Ces filiales sont utilisées pour transférer les bénéfices réalisés dans d’autres pays vers des juridictions où les taux d’imposition sont plus bas, permettant ainsi de réduire considérablement l’impôt payé.

Un exemple spécifique est le schéma « Double Irish with a Dutch Sandwich » utilisé pour minimiser les obligations fiscales.

Cette méthode repose sur l’utilisation de filiales en Irlande et aux Pays-Bas pour acheminer les revenus de l’entreprise. Résultat ? Une belle réduction de l’impôt sur les bénéfices, en exploitant les différences de législation fiscale entre ces pays.

Ces pratiques d’optimisation fiscale peuvent être légales dans le cadre des réglementations actuelles, mais elles soulèvent des (grosses) préoccupations en termes d’équité fiscale et de contribution des grandes entreprises technologiques aux économies dans lesquelles elles opèrent.

Le taux d’imposition des activités réalisées en dehors des Etats-Unis par les GAFAM était de 8,4% entre 2010 et 2019. Qui dit mieux ?

Les 5 entreprises excellent dans le transfert d’une partie importante de leurs bénéfices vers des lieux très accommodants, tels que les Bermudes, l’Irlande, le Luxembourg ou encore les Pays-Bas. 🏄

Toujours selon l’étude de Fair Tax Mark, Amazon a payé 3,4 milliards $ d’impôts sur les sociétés sur la décennie 2010. Une somme énorme, n’est-ce pas ?

Jusqu’à ce qu’on apprenne que le géant a réalisé un chiffre d’affaires de 232,9 milliards, pour la seule année 2018 !

Et depuis ? Amazon a plus que doublé son CA en 4 ans, passant à 514 milliards en 2022.

En 2021, Amazon a réalisé 35 milliards de bénéfices et a payé 2,1 milliards d’impôts, soit un taux d’imposition de 6,1%.

Le respect de la loi, obligatoire ou facultatif ?

Les GAFAM ont également réussi à exercer une influence significative sur les politiques et les réglementations dans certains pays.

Leurs ressources financières et leur pouvoir économique leur permettent de défendre leurs intérêts et d’influencer les décisions politiques qui façonnent le cadre réglementaire.

Et comme elles opèrent souvent à l’échelle mondiale, elles peuvent choisir les juridictions plus laxistes ou exploiter les failles réglementaires… Tout cela pour éviter d’être soumis à certaines lois ou restrictions.

Voici quelques chiffres sur le lobbying opéré par les GAFAM, les montants (en millions de dollars US) correspondent à la seule année 2022 :

Google

10,9 M$

Apple

9,4M$

Facebook

19,2M$

Amazon

19,7M$

Microsoft

9,8M$

Le but ? Lutter contre les lois qui sont contraires à leurs intérêts, en particulier les projets de loi anti-trust.

Quand on consulte la liste des entreprises qui investissent le plus dans le lobbying, les géants de la tech prennent aujourd’hui autant de place dans le “top 10” que les géants du pétrole.

Comme quoi, ces boîtes qui ne feraient pas de mal à une mouche (à les écouter en tout cas) investissent beaucoup d’argent pour influencer nos élus afin qu’ils ne légifèrent pas contre leurs intérêts.

Au fait, pour être clairs : nous estimons que ce type de lobbying est foncièrement anti-démocratique.

Les entreprises privées n’ont de devoir fiduciaire que dans la maximisation de leurs profits.

Mais lorsqu’une entreprise pèse 90% d’un marché, comment ses concurrents peuvent-ils faire valoir leurs voix et protéger leurs intérêts, s’il suffit d’acheter les réglementations en faisant pression sur les décideurs politiques ?

Nous sommes également très loin du lobbying opéré par des confédérations professionnels ou autres syndicats, représentant les intérêts d’un métier dans son ensemble.

La relation entre la presse française et Google News est tendue en raison de désaccords sur les droits d’auteur et la rémunération équitable des acteurs.

La presse estime que Google tire profit de ses contenus sans les payer suffisamment, ce qui nuit à leurs revenus publicitaires.

En 2019, la France a adopté une loi exigeant que les agrégateurs d’actualités négocient une rémunération équitable, mais Google a contesté cette législation et a cessé d’afficher les extraits et les images associées aux articles des médias français !

Des accords de licence individuels ont alors été conclus, mais sont critiqués pour leur manque de transparence. La résolution de ce conflit nécessitera une réflexion approfondie sur la rémunération équitable tout en garantissant l’accès à l’information…

Une vision du monde absolutiste et totalitaire !

En réalité, le problème avec les GAFAM, c’est qu’ils ont une vision totalitaire du monde.

Leur champ d’intervention est total : il couvre potentiellement toutes les activités économiques et humaines.

Les dirigeants de ces entreprises géantes ont perdu pied avec la réalité, et se considèrent comme des démiurges d’un nouveau monde : celui des GAFAM.

Une telle prétention peut faire sourire, mais le souci, c’est que ce n’est pas une plaisanterie.

Les fondateurs des GAFAM, à l’exception notable de Bill Gates, souhaitent également payer le moins d’impôt possible.

Après quelques décennies à créer une entreprise informatique incontournable, en prenant quelques raccourcis, qui ont failli mener au démantèlement de Microsoft dans les années 1990, Bill Gates a pris conscience qu’il fallait rendre à la société ce qu’elle lui avait donné.

En tant que grand rédempteur en chef, Bill Gates investit sa grande fortune et son intelligence dans la “Bill and Melinda Gates Foundation”. On ne peut nier qu’il réalise de belles et grandes choses, en particulier dans la santé et l’aide aux pays en développement. Le couple, aujourd’hui séparé, a même décidé de léguer l’essentiel de sa fortune à sa fondation. Bill Gates est aussi convaincu que les milliardaires devraient payer bien plus d’impôts et a signé la Giving Pledge. Nous sommes d’accord !

C’est d’ailleurs tout le problème : pourquoi tolérer un système dans lequel on laisse une poignée de personnes devenir hyper-riches (faute de les taxer suffisamment), pour qu’ensuite ils nous fassent la charité ? Nous devrions plutôt collectivement exiger un niveau juste de taxation des multi-milliardaires (sans leur empêcher d’être milliardaires et sans brider leur esprit entrepreneurial) et décider de manière démocratique comment utiliser les fonds ainsi taxés.

Envie d’en parler ? Contactez-nous ! 

Nous vous donnons RDV très prochainement pour le 3ème épisode de cette série !