6 chiffres chocs pour comprendre les enjeux de notre système agroalimentaire !
Vous dire que les agriculteur.ices souffrent, que la pollution augmente, que l’intensité capitalistique est élevée… Rien de nouveau, n’est-ce pas ?
Tout cela donne une idée pour comprendre les enjeux majeurs de notre système alimentaire, mais quel meilleur moyen que de mettre des chiffres sur ces différents problèmes ?
C’est notre objectif aujourd’hui : vous faire découvrir 6 chiffres qui nous ont estomaqués, et qui sont les raisons de notre investissement dans la transition de l’alimentation durable.
Le choc n°1 : 10% des terres agricoles en France appartiennent à des grands groupes
⚠️ Limite du système
Avons-nous un pouvoir d’action en tant qu’individu sur notre système alimentaire face à une telle privatisation des terres ? ⚠️
Selon la journaliste Lucile Leclair, dans son livre “Hold-up sur la Terre”, il y aurait déjà en France 10% des terres agricoles aux mains de grands groupes (investisseurs, groupes agro-industriels…).
Et pire, ces 10% de terres figurent parmi les plus productives, car elles représentent 30% de la production agricole française.
Cette Terre, notre Terre, perçue comme un “bien commun” d’une certaine manière, depuis des générations, serait maintenant en train d’être privatisée, sans que ses habitants ne soient vraiment au courant.
De plus, cela crée une concurrence avec les agriculteur.ices. Selon le Sénat français :
“Dans l’Union européenne et tout particulièrement en France, existe un fort déséquilibre structurel au sein de la chaîne alimentaire, au bénéfice des acteurs les plus puissants sur le marché, c’est-à-dire des plus grands groupes industriels et/ou la distribution, au détriment des producteurs agricoles.”
Nous avons choisi cette première statistique pour illustrer l’enjeu-clé que représente la terre et le maintien de sa propriété aux mains des paysans.
Des prises de position politiques ainsi que des initiatives citoyennes voient le jour afin de contrebalancer cette tendance. C’est, par exemple, le cas de Terre de Liens ou de FeVe, qui aident les paysans et préservent les terres agricoles. Il est possible de faire bouger les lignes !
Le choc n°2 : 55% des agriculteur.ices ont plus de 50 ans
⚠️ Limite du système :
Où allons-nous trouver nos agricultureur.rice.s de demain ? ⚠️
Selon une étude réalisée par l’Insee en 2019 :
- 55 % des agriculteur.ices français.es étaient âgé.e.s d’au moins 50 ans,
- et 13 % avaient 60 ans ou plus.
La conséquence : la moitié des agriculteur.ices en activité à l’heure actuelle (2023) seront partis en retraite d’ici 2030. La plupart n’ont pas encore de repreneur.se identifié.e.
Le risque est que les grandes fermes productivistes soient les plus à même de racheter des terres inoccupées, et donc de renforcer une agriculture intensive.
L’avenir n’est pas écrit, mais sommes-nous certain.e.s d’avoir suffisamment de candidat.e.s à l’installation pour combler ces départs ?
Et ces quelques candidat.e.s peuvent-ils se permettre de racheter des fermes toujours plus grosses et équipées d’outils de travail toujours plus coûteux ?
Le choc n°3 : Chute de la biodiversité : 30% d’oiseaux en moins depuis 1990 en Europe
⚠️ Limite du système :
Pouvons-nous vivre sans les services éco-systémiques et les dons rendus par la biodiversité ? (spoiler, non) ⚠️
C’est même la Cour des Comptes Européenne qui le dit : “la politique agricole commune (PAC) n’est pas parvenue à inverser la tendance à la baisse que connaît la biodiversité depuis des décennies, et l’agriculture intensive reste l’une des principales causes de la perte de biodiversité.”
Pour cause ? Plusieurs facteurs sont à prendre en compte et sont listés ci-dessous par ordre d’importance :
- La destruction et la fragmentation de leurs habitats par les infrastructures humaines : déforestation, exploitation des sols, étalement urbain…
- La sur-exploitation des ressources naturelles, c’est-à-dire un prélèvement des ressources plus important que ce que la nature peut régénérer.
- Le changement climatique (l’atelier que nous proposons de la Fresque Du Climat permet d’en comprendre tous les mécanismes).
- Les pollutions (chimiques, physiques, sonores, lumineuses et électromagnétiques).
- Les espèces exotiques envahissantes (espèces déplacées par le transport dû à la mondialisation des échanges et au réchauffement climatique).
La chute de la biodiversité entraîne une perte de la résilience de la nature face aux menaces extérieures, entraînant elle-même une chute de la biodiversité et ainsi de suite : c’est un cercle vicieux auquel il est important de mettre fin.
Les oiseaux peuvent paraître “anecdotiques”, mais ils sont un très bon indicateur de l’état de santé de la biodiversité globale… Ils occupent un rôle majeur dans l’environnement. Ils sont 6 fois plus nombreux que les humains sur Terre !
Nous trouvons dans le résumé du rapport global de l’IPBES*, l’équivalent pour la biodiversité de ce que représente le GIEC pour le climat, une liste non exhaustive de tous les biens et services que nous rend la nature. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en réalisant son étendue, nous avons du mal à imaginer comment on pourrait s’en passer :
- La biodiversité, notre réserve alimentaire :
Sachant que plus de 95% de notre alimentation provient de la terre, laquelle est pourtant sur-exploitée, et que “75% des cultures alimentaires mondiales, qui comprennent des fruits et légumes et quelques-unes des principales cultures commerciales, […] reposent sur la pollinisation animale”, nous comprenons rapidement le lien entre la biodiversité, et nos assiettes.
- La biodiversité, notre plus grande pharmacie :
Plus de la moitié de la population mondiale se soigne grâce à des remèdes naturels, et 70% des médicaments soignant le cancer sont issus de produits naturels ou inspirés par la nature.
- La biodiversité, une source d’énergie primaire :
1 personne sur 4 dans le monde utilise du combustible à base de bois comme énergie primaire.
- La biodiversité, notre mère nature qui nous offre la vie :
Elle permet, entre autres, de maintenir la qualité de l’eau douce, de l’air et des sols dont nous sommes tributaires, de réguler le climat par l’absorption de près de 60% de nos gaz à effet de serre, de limiter les emballements face aux aléas naturels.
- Enfin, la biodiversité nous apporte des plaisirs non-matériels essentiels :
Source d’inspiration artistique, lieux agréables de pratiques d’activité physique en plein air, espaces ressourçants…
Prenons alors 1 minute pour nous imaginer le monde demain, si nous continuons d’agir sans respect pour la préservation de la biodiversité…
Pour comprendre plus profondément encore cet enjeu, nous vous invitons à participer à la Fresque de la Biodiversité, atelier proposé par Fertilidée.
*IPBES : Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques
Le choc n°4 : 18% des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté
⚠️ Limite du système :
Comment un modèle où les femmes et les hommes qui nourrissent la France ne sont pas capables, eux-même, de subvenir pleinement à leurs propres besoins, peut-il fonctionner ? ⚠️
Les revenus des agriculteur.rice.s, c’est un sujet complexe.
Voici une étude fort intéressante, réalisée par l’Insee, qui donne une vision complète de la situation.
On y apprend que les agriculteur.rice.s ont un revenu moyen comparable à celui du français moyen en activité.
Couplons toutefois cette donnée au fait que les agriculteur.rice.s ont un travail pénible physiquement, et qui accapare beaucoup de leur temps (durée hebdomadaire de travail importante, peu de vacances).
On y apprend aussi que 50% des agriculteur.rice.s disposent de moins de 1.850€ de revenu par mois, et que 18% vivent sous le seuil de pauvreté !
La disparité entre les ménages y est plus forte. Les éleveurs bovins sont, par exemple, le métier où les revenus sont les plus faibles.
De plus, seul ⅓ du revenu des ménages provient de l’activité agricole. La majorité provient de revenus annexes (conjoint.e ou agriculteur.ice. ayant une activité professionnelle externe à l’exploitation agricole).
Le choc n°5 : 40 milliards d’euros, c’est le chiffre d’affaires mondial des 6 plus grands groupes de l’agrochimie
⚠️ Limite du système :
L’industrie de l’agrochimie, sur-présente dans notre système agricole, n’est-elle pas en train de prendre le pouvoir sur l’avenir de notre système alimentaire ? ⚠️
L’agrochimie, c’est l’industrie qui fournit les produits phytosanitaires pour l’agriculture. Où est le problème, nous diriez-vous ?
Et bien, il y a 4 ou 5 générations, les géants de l’agrochimie n’existaient pas.
L’agriculture était “autonome” et ne nécessitait pas d’intrants. Les agriculteurs n’étaient pas dépendants d’une industrie aliénante pour leur travail, et destructrice des écosystèmes.
Aujourd’hui, selon cette statistique calculée par Statista, le chiffre d’affaires mondial annuel des 6 plus grands groupes d’agrochimie est de 40 milliards d’euros. Par ailleurs, les 3 premiers groupes (Bayer, Syngenta, BASF) représentent plus de 50% du CA mondial.
Face à ces groupes, on trouve des millions de paysans, partout dans le monde.
En traitant les cultures avec des pesticides et des herbicides, ce n’est pas seulement les ravageurs et les mauvaises herbes qui sont tués, mais bien toute la biodiversité souterraine, indispensable à la santé des sols et des cultures. Les agriculteur.ices deviennent alors dépendants de cette industrie.
Profitons-en ici pour rappeler la définition d’un oligopole : “Une situation d’oligopole se rencontre lorsqu’il y a, sur un marché, un nombre faible d’offreurs disposant d’un certain pouvoir de marché et un nombre important de demandeurs” (source Wikipédia).
Le choc n°6 : 6 grandes enseignes représentent 92% du marché de la grande distribution en France
⚠️ Limite du système :
Des centrales d’achats toujours plus puissantes centralisent les pouvoirs et réduisent les possibilités d’actions des petites structures et producteurs. ⚠️
Nous parlions d’oligopoles ?
Selon Que Choisir :
- Plus de 90% de la grande distribution dépend des 4 plus grandes centrales d’achat,
- Les 2 premières centrales (Envergure qui agit pour Carrefour, Cora et Système U, et Leclerc en position deux) représentent 55% du marché.
Ce niveau de concentration capitalistique est dramatique à plusieurs titres.
Tout d’abord, il limite la possibilité pour les entrants (petites épiceries de quartier) de trouver leur place. Il y a de facto une barrière importante : il est quasiment impossible de rivaliser avec les prix toujours plus bas de la grande distribution.
Deuxièmement, la pression exercée par ces centrales d’achats sur les entreprises de l’agro-alimentaire ne peut qu’augmenter. Avec des répercussions probables sur la qualité et la diversité des produits proposés.
Enfin, la logique des prix toujours plus bas enferme les acteurs de la grande distribution dans une logique associée, celle de l’industrialisation et de l’automatisation des processus. A l’avenir, on peut donc se retrouver avec des grandes surfaces entièrement automatisées, et avec l’obligation de réaliser ses courses sur une application de smartphone. Ce fonctionnement peut convenir à une partie de la population, mais peut être dramatique pour certains publics (personnes âgées, personnes en situation de précarité, etc.).
Bon.. et maintenant, qu’est ce qu’on fait ?
Vous aussi, vous avez été un peu secoué.e par ces chiffres ?
Nous continuerons à vous informer pour agir ! Nous sommes déjà en train de rédiger d’autres articles plus détaillés et des pistes de solutions pour vous aider à comprendre et agir en faveur d’un système alimentaire plus respectueux du vivant, dont nous faisons partie.
L’ensemble des actions de Fertilidée ont pour vocation d’impacter positivement les différentes thématiques soulevées par ces enjeux.
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